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Big Data agricole : quid de la protection des données des agriculteurs ?

L’essor du numérique dans le secteur de l’agriculture a décuplé les possibilités techniques, la rentabilité économique et le confort des agriculteurs, en permettant la collecte de grandes quantités de données utiles à l’optimisation des pratiques culturales. Cependant, l’émergence du big data en agriculture a aussi fait apparaître la nécessité de protéger et de réglementer l’utilisation de ces données, qui se révèlent être stratégiques pour le contrôle des marchés agricoles et qui échappent bien souvent aux agriculteurs.

À qui appartiennent réellement ces précieuses données agricoles ?

L’utilisation de systèmes d’information (véhicules connectés, applications mobiles, robots de traite…) génère un grand nombre de données, dont la propriété est souvent très floue. En effet, à qui appartient cette donnée ? Seulement à l’agriculteur, ou également au constructeur qui récupère les informations de fonctionnement de la machine ? Comment et où sont stockées les données collectées ?

Dans ce contexte, les agriculteurs sont en position de faiblesse : ils génèrent un grand nombre de données à partir de leur matériel agricole, et ces informations peuvent être collectées voire vendues par les agrofournisseurs, sans que l’agriculteur soit informé de la destination de ces flux de données. Pourtant, ces informations valent de l’or, car lorsque l’on couple des données comme les quantités récoltées, les informations satellites ou encore les aléas climatiques, il est alors envisageable d’anticiper la quantité de produits agricoles qui vont être mis sur le marché, et donc de contrôler les marchés à terme agricoles ! Actuellement, la loi ne protège que les données à caractère personnel : le devenir des autres données échappent au contrôle des agriculteurs, qui sont fortement dépendants des contrats que leur proposent leurs fournisseurs. Certaines sociétés comme Kerhis, API-Agro ou encore InVivo s’impliquent dans ces problématiques, et investissent de façon conséquente dans le Big Data en agriculture, en garantissant que « l’agriculteur reste toujours l’unique propriétaire des informations saisies ».

Comment encadrer la propriété, le partage et l’usage de ces données ?

Partant de ce constat, plusieurs syndicats agricoles se sont penchés sur le problème et ont proposé des solutions pour que la propriété et le contrôle de ces données reviennent aux agriculteurs. Ainsi, des chartes sur l’utilisation des données agricoles ou le partage de données agricoles voient le jour. C’est notamment le cas de la charte Data Agri, lancée par la FNSEA et JA, visant à labelliser les entreprises collectant les données des exploitations pour garantir une utilisation éthique et une traçabilité des données des agriculteurs. Plusieurs axes tels que l’accessibilité, la transparence ou encore la sécurité sont inclus dans ce label. « L’objectif de cette démarche est de permettre aux agriculteurs d’y voir plus clair dans ce brouillard numérique », a déclaré Baptiste Gatouillat, vice-président de JA. « Même la nouvelle génération d’agriculteurs est un peu perdue sur cette question du numérique. Nous savons valoriser nos produits, mais pas nos données. Pour une protection accrue des données, ces chartes garantissent la confidentialité et l’anonymisation des données agrégées.

D’autres syndicats comme Coordination Rurale estiment que ces chartes ne sont pas assez contraignantes : en effet, elles sont basées sur le volontariat, et les agro-fournisseurs n’ont pas l’obligation d’y adhérer. Une solution pour éviter les abus serait de mettre en place un cadre législatif plus strict, qui pourrait forcer l’ensemble des agro-fournisseurs à une totale transparence quant à la collecte et à l’utilisation des données des agriculteurs.

Finalement, pour conserver la maîtrise du big data agricole, une coopération entre agriculteurs, syndicats et politiques semble essentielle, d’autant plus quand les données agricoles commencent à devenir le nouveau terrain de jeu des géants du numérique, ce qui pourrait à terme poser un problème de souveraineté alimentaire.


Sources