TouRoule est un outil de sécurité polyvalent imaginé pour équiper les entreprises agricoles, très touchées par les accidents du travail. Initié en 2021, j’ai repris le développement de ce projet lors de mon stage de dernière année d’ingénieur AgroTIC, sous le statut d’étudiant entrepreneur et avec le soutien de la Chaire AgroTIC.
Cet article présentera d’abord le fonctionnement de l’outil ainsi que son développement au cours des six derniers mois. La dernière partie de ce document, à destination des futurs étudiants AgroTIC, sera un retour d’expérience de mon stage sous ce statut particulier.
Initialement porté par Oriane BURTSCHER et moi même, tous deux aujourd’hui diplômés AgroTIC, le projet TouRoule est né en constatant, lors de nos stages respectifs, les conditions de sécurité des entreprises agricoles. Cette observation a été confirmée par la MSA qui recense sur l’année 2021 uniquement près de 70 000 accidents du travail pour un peu plus d’un million d’actifs agricoles (MSA, 2022).
Ces chiffres s’expliquent par les conditions de travail difficiles en milieu agricole, mais aussi par la faible adoption des outils de sécurité, pourtant présents sur le marché (équipements de protection individuelle, bouton d’arrêt d’urgence, dispositif d’alarme du travailleur isolé…). Preuve que les solutions actuelles leur sont inadaptées.
C’est à partir de ce contexte qu’a été imaginé TouRoule ; un outil de sécurité polyvalent et de seconde monte, conçu pour proposer une solution unique contre les principales sources d’accidents en milieu agricole. Le dispositif se présente comme un outil hybride entre un système d’arrêt d’urgence sans fil et une balise de détresse ; avec comme interface unique le smartphone du travailleur. De cette façon, TouRoule permet aussi bien de stopper les machines et véhicules en urgence que de lancer des appels de détresse. Ces actions peuvent être déclenchées manuellement par l’utilisateur, via un unique bouton (figure 1), ou automatiquement, par le système embarqué, lorsqu’un danger est détecté.
TouRoule est conçu pour être installé en seconde monte et se base en bonne partie sur les technologies du smartphone de l’utilisateur. Ces choix techniques permettent de se démarquer des solutions concurrentes en proposant un outil peu cher, polyvalent et “invisible” à l’utilisation.
La communication smartphone-machine mise en place pour assurer les fonctions de sécurité, permet aussi d’avoir un retour de données géolocalisées, permettant de proposer des outils annexes, compensant la faible attractivité d’un outil de sécurité.
Au-delà du marché des entreprises agricoles, la solution pourrait à terme facilement se décliner pour équiper d’autres professions aux enjeux similaires (proximité avec les machines, travailleur isolé, chute… tout en ayant besoin d’une mobilité importante). TouRoule pourrait alors trouver sa place chez les ouvriers, les travailleurs en bâtiment, les forestiers…
Une première preuve de concept avait été réalisée début 2021, pour être présentée à des concours d’innovation afin de commencer rapidement le financement du projet et d’obtenir le retour de professionnels. Cette première tentative n’a pas été précédée d’études complètes.
Partant de certaines certitudes acquises alors, je me suis fixé comme objectif pour mes six mois de stage de rattraper les lacunes méthodologiques de cette première itération, en réalisant les analyses préalables de manière rigoureuse (de l’étude de marché, jusqu’au cahier des charges fonctionnel).
La solution TouRoule étant relativement nouvelle, j’ai décidé d’avoir recours au développement itératif afin de m’assurer de cerner au mieux les besoins utilisateur. J’ai ainsi déjà pu réaliser des entretiens avec plus d’une quarantaine de professionnels agricoles pour récolter leurs attentes. L’expression de leur besoin a mené à la rédaction du cahier des charges fonctionnel et la réalisation d’une première version de prototype (figure 2).
À l’issue de mon stage, j’ai pu développer une première version de l’électronique et des codes des microcontrôleurs. Une application mobile intégrant les fonctionnalités de base a pu être réalisée grâce au recrutement d’un stagiaire en développement. Cette version n’est pas encore en capacité de réaliser tous les tests en conditions réelles, mais elle a toutefois permis de fixer un bon nombre de caractéristiques techniques du produit et de se rapprocher d’une version commerciale. La réalisation du prochain prototype soulève de nouveaux enjeux, nécessitant le recours à de nouveaux moyens financiers, techniques et humains.
La nouvelle boucle de développement de TouRoule commencera par un recueil des avis des utilisateurs et des professionnels sur les caractéristiques techniques de cette première version. Fort de ces retours, il faudra ensuite corriger les cartes électroniques et les mettre aux normes ; tout en achevant le développement d’une version bêta de l’application mobile. Enfin, dans l’optique de la réalisation d’une première série de test “in vivo”, il faudra mettre en place des circuits de fabrication pour la production de la première série.
Avec ces nouveaux enjeux, je ne suis plus en capacité d’assurer seul le développement du produit, je devrai donc avoir recours à la sous-traitance ou au recrutement pour réaliser ces étapes. Toutefois, l’expérience acquise avec cette première version me permettra de superviser et d’apporter un avis éclairé sur la suite du développement.
Je travaille donc aujourd’hui à la recherche de partenaires techniques et financiers, pour obtenir les ressources nécessaires à ces ambitions.
Si le projet est né il y a plus de deux ans, la majeure partie du développement a été réalisée au cours des six derniers mois, lors de mon stage de fin d’études dédié à ce projet. Cette fin d’article se présente comme un retour d’expérience sur ce stage principalement à destination des futurs étudiants entrepreneurs AgroTIC.
De manière à réaliser un stage de fin d’études sur un projet entrepreneurial, la première étape obligatoire est l’obtention du statut d’étudiant entrepreneur du réseau PEPITE (Pôles Etudiants Pour l’Innovation, le Transfert et l’Entrepreneuriat). Ce statut s’obtient après une première sélection sur dossier, puis un rapide passage devant un des jurys des PEPITEs de Nouvelle-Aquitaine.
Ce statut acquis, c’est ensuite à l’équipe pédagogique AgroTIC de vérifier la pertinence du projet dans le cadre de la formation et finalement, de délivrer un “contrat pédagogique” pour six mois de stage.
Un stage en étudiant entrepreneur se déroule dans des conditions assez différentes d’un stage “classique”. La principale difficulté est de constituer l’environnement de travail (espace de travail, matériel, compétences, réseau…) en parallèle du développement du produit. Tout cela en un temps court et avec des ressources financières limitées.
En effet, en l’absence d’employeur, les étudiants entrepreneurs ne disposent ni de source de financement, ni d’espace de travail. J’ai pu obtenir les ressources financières nécessaires grâce aux prix des concours d’innovation, ainsi que grâce au soutien de la Chaire AgroTIC. Enfin, selon les besoins, j’ai pu travailler à l’espace de coworking du PEPITE, au FabLab Coh@bit de l’IUT de Bordeaux et à Bordeaux Sciences Agro.
Une part importante du temps de travail est aussi dédiée à l’aspect “gestion de l’entreprise” (comptabilité, plan de financement, étude de marché, recherche de financement…) dans l’optique de développer l’environnement du projet et de travailler sa viabilité financière. Je suis monté en compétence sur ces points grâce aux ateliers proposés par le réseau Pépite. Ces travaux se déroulant en bonne partie en début de stage, il est au début inquiétant, dans l’optique de la validation du diplôme, de voir son stage AgroTIC devenir un stage de gestion d’entreprise. Je conseille donc, une fois les bases de l’entreprise mises en place, de mettre un accent particulier sur le développement du projet.
Enfin, le réseau PEPITE ne fournit pas d’aide directe sur le développement technique des projets qu’il accompagne. Face à mon incapacité d’acquérir seul toutes les compétences techniques nécessaires, j’ai su m’entourer de personnes ressources. D’abord en adhérant au FabLab de l’IUT de Bordeaux, ensuite en embauchant un stagiaire en développement mobile ; j’ai acquis le reste des connaissances via l’autoformation sur Internet.
J’ai pu me rendre compte de la difficulté de concevoir un objet commercialisable, avec tout le travail nécessaire en amont du développement, et dans mon cas la confrontation avec de nombreuses normes électroniques et sécuritaires.
Un stage en étudiant entrepreneur est une expérience unique qui demande de faire preuve de volonté et de discipline pour être mené à son terme. Le mien s’est déroulé dans des conditions challengeantes : travail en grande autonomie, encadrement d’un stagiaire, création d’une l’entreprise, formation… Si bien que je conseille de réaliser ce type de stage à deux ou en intraprenariat.
Ces six mois représentent toutefois une opportunité unique de développer un projet personnel et découvrir l’entrepreneuriat, le tout dans des conditions de travail plus libres et flexibles. Le cadre particulier du projet, ainsi que la variété de missions réalisées m’ont permis de développer rapidement de nombreuses compétences ; aussi bien en gestion de projet/d’entreprise que techniques. Cette expérience fut pour moi très stimulante, et j’en garde un bilan positif ; je la recommande aux étudiants AgroTIC.
Je remercie Bordeaux Science Agro et l’Institut Agro Montpellier de m’avoir permis de réaliser ce stage ; ainsi que la Chaire AgroTIC de m’avoir soutenu dans ce projet.
Suivez le développement de TouRoule sur LinkedIn :
Gaillard, C and Dumanoir, N and Nebot, F and Pomykala, F (2022) ‘LA DÉMOGRAPHIE’ in : Les chiffres utiles de la MSA – Edition nationale 2022. Bobigny : Direction des statistiques, des études et des fonds Luminem, pp.15