Les Départements, Régions et Collectivités d’Outre-Mer, communément appelés DROM-COM sont des territoires français ultrapériphériques. Ils sont caractérisés par des conditions pédoclimatiques qui leur sont propres et qui déterminent l’agriculture pouvant y être réalisée. 

En effet, si 85% des DROM-COM sont des territoires tropicaux, les TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises) n’étant ni habitées ni cultivées, 92% des territoires ultramarins cultivés sont tropicaux. La seule exception étant l’archipel de Saint-Pierre et Miquelon, situé en zone subarctique, mais dont le climat, très rigoureux en hiver, ne permet pas de concilier une agriculture à moyenne ou grande échelle. Ainsi, ne seront traitées que les cultures spécifiques des territoires situés en zone intertropicale. Les cultures céréalières et l’élevage traditionnel, bénéficiant des mêmes technologies qu’en métropole ne seront pas traitées. 

Seront ainsi développées les solutions numériques pour l’agriculture appliquées à des cultures comme la canne à sucre, le café et la culture de banane, cultivées à la fois aux Antilles et à la Réunion ou encore les cultures de palmiers et de manioc en Guyane. 

L’agriculture numérique est un terme regroupant de nombreuses thématiques, il peut se résumer sous la définition de “solutions technologiques pour l’agriculture”. De l’acquisition de la donnée, notamment avec des capteurs, jusqu’à son analyse et sa valorisation, en passant par son stockage, ce terme regroupe un panel important de technologies. 

L’agriculture numérique représente aujourd’hui un enjeu majeur pour l’agriculture ultramarine, particulièrement dans la gestion et l’anticipation des aléas climatiques et de leur impact sur les cultures ou dans la gestion des stress hydrique et salin. 

Elle constitue également un levier important pour renforcer l’agriculture locale, limiter les importations de marchandises et favoriser l’autosuffisance alimentaire dans des régions éloignées souffrant régulièrement de la hausse des prix des denrées alimentaires.

Ces sujets suscitent aujourd’hui l’intérêt à la fois de laboratoires de recherche tels que le CIRAD, mais aussi de startups. Ces réflexions communes ou parallèles sont à l’origine de plusieurs solutions ayant vu le jour au cours des dernières années, certaines sont détaillées ci-dessous ainsi que les cultures dont elles traitent. 

Les Antilles Françaises et plus particulièrement les îles de la Martinique et de la Guadeloupe, sont les premiers producteurs de bananes des DROM-COM. La culture de cette dernière représente un marché de plus en plus important pour ces territoires, notamment grâce à son export en France métropolitaine et dans des pays d’Europe voisins. Plusieurs solutions numériques axées sur cette culture ont vu le jour ces dernières années permettant une intervention pré ou en cours de production. 

– La première d’entre elles, Sigatocare est une solution créée par d’ITK en collaboration avec le CIRAD. Cet outil d’aide à la décision (OAD), principalement testé en Martinique, est utilisable sous la forme d’une application pour ordinateur et/ou smartphone. Ce système d’avertissement biologique permet une détection précoce de la cercosporiose noire. Cette maladie, causée par un champignon pathogène, Pseudocercospora fijiensis, entraîne le jaunissement et la nécrose des feuilles et affecte donc la photosynthèse, la croissance et in fine la production des bananiers infectés. Si cette dernière n’est pas traitée à temps, plus de 50% des rendements peuvent être perdus. [BSV Guyane]

Singatocare permet, par une détection précoce de la maladie, une intervention rapide, ciblée et efficace en ne traitant qu’au moment opportun et en évitant ainsi les traitements automatiques,  diminuant ainsi le nombre de traitements nécessaires. Cet OAD permet aussi de favoriser la diffusion des bonnes pratiques phytosanitaires à l’échelle des territoires et une automatisation du système d’avertissement du CIRAD.  

– La seconde solution numérique, BTracT (Banana Breading Tracking Tool), est testée depuis quelques années par le CIRAD dans les pays situés en zone intertropicale d’Afrique de l’Ouest et centrale. Elle a vocation à terme d’être utilisée sur d’autres territoires comme les DROM-COM. Cette solution permet une accélération et une optimisation du processus de sélection de nouvelles variétés.

Son fonctionnement est basé sur l’apposition de codes barres sur les plants de bananiers étudiés. Le scan de ces derniers permet la saisie et la modification des informations spécifiques (croissance, résistance aux pathogènes, données relatives aux fruits…) à l’échelle du plant. Ces informations, stockées sur la base de données MusaBase, sont ensuite traçables et accessibles à tous les acteurs de la filière. 

Les cultures de canne à sucre et d’ananas ont, elles aussi, vu naître autour d’elles des solutions numériques pour faciliter leur gestion et améliorer leur rendement.

Le CIRAD a ainsi développé la plateforme Smart IS, pour «Smart Information System», un OAD basé sur des données agricoles, climatiques et environnementales. 

Cette plateforme, aujourd’hui déployée sur l’île de La Réunion et l’Archipel de Mayotte, propose plus d’une dizaine de solutions ou outils de gestion et d’optimisation des cultures de cannes à sucre et d’ananas. 

• Un suivi de la progression de la récolte de canne (MASH)
• Une prédiction de la production de canne (SHARP)
• Une simulation de la planification des récoltes d’ananas (Victoria), 
• Une aide à la fertilisation des sols (SERDAF)
• Une évaluation des risques de transfert des pesticides vers l’environnement (PHYTO’AIDE)

Elle propose également un Dashboard permettant la visualisation d’indicateurs calculés en temps réel et donnant accès à un large panel de données allant des données météorologiques à la gestion des sols en passant par la gestion du parcellaire grâce à des solutions comme MASH, outil de cartographie du parcellaire ou METEOR, outil de prévision météo précis.

En rassemblant ces outils sur une même plateforme, Smart IS propose une approche et une gestion intégrée des cultures de cannes à sucre et d’ananas reposant sur des systèmes d’informations aux sources de données variées : données météorologiques, données parcellaires, données issues de chaînes d’acquisition, images satellites, modèles agronomiques…

Ainsi, si l’agriculture numérique dans les territoires d’outre-mer reste marginale en comparaison à la France métropolitaine, son développement reste un enjeu majeur pour la pérennisation et l’optimisation des cultures tropicales qui y sont pratiquées. 

Ces dernières années, l’émergence de nouveaux outils et solutions, soutenus par la recherche publique et privée, offre des perspectives prometteuses répondant aux défis spécifiques des exploitations agricoles ultramarines. 

Léa Moyon

SOURCES:

1. CIRAD – Agriculture numérique durable : Découvrez les initiatives pour une agriculture numérique durable grâce aux recherches du CIRAD.
   https://ur-aida.cirad.fr/actualites/agriculture-numerique-durable
   
2. Rapport CIRAD – Numérique et agriculture durable : Une analyse approfondie sur le rôle du numérique dans l’agriculture durable.
   https://ur-aida.cirad.fr/content/download/5412/41073/version/1/file/Num%C3%A9rique+agriculture+durable.pdf
   
3. Agratime – Solutions numériques agricoles : Un article explorant les innovations numériques en agriculture.
   https://agratime.com/2705-2/
   
4. MYDITEK – Site officiel : Découvrez les solutions de cette entreprise dédiée à l’agriculture et l’élevage connectés.
   https://www.myditek.com/
   
5. Prix Tech for Future 2024 – MYDITEK : Un article détaillant la récompense reçue par MYDITEK pour ses innovations agricoles dans les territoires tropicaux.
   https://www.latribune.fr/technos-medias/innovation-et-start-up/prix-tech-for-future-2024-myditek-l-outil-de-reference-des-agriculteurs-dans-les-zones-tropicales-994200.html
   
6. ITK – Solution SIGAToCare : Témoignages et explications sur les solutions numériques offertes par ITK pour les cultures tropicales comme la banane.
   https://www.itk.fr/sigatocare/#testimonials