Satellite SWOT : comment révolutionner l’océanologie?

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Satellite SWOT : comment révolutionner l’océanologie?

2022 est sans aucun doute une année charnière pour l’altimétrie spatiale. Cette technique, développée dans les années 1970 à 1990, permet de mesurer le relief des océans. Cette technique se base sur un radar embarqué sur un satellite artificiel et permet la mesure de la hauteur instantanée de la mer. Une onde radar émise par le satellite est réfléchie sur la surface de la mer et est renvoyée à bord. Les données reçues par le satellite sont ensuite analysées pour en déduire la distance entre le satellite et la mer, mais également la rugosité de la surface. L’altitude de la mer peut ensuite être déduite de la différence entre l’altitude du satellite et la distance mesurée. Ce procédé nécessite donc une connaissance très précise de l’altitude du satellite, paramètre calculée à partir du suivi de la trajectoire du satellite réalisé depuis le sol par des stations de poursuite.

Il y a 30 ans, le satellite Topex-Poseidon était lancé et marquait le début de l’altimétrie de précision. Depuis, les missions de la première génération se sont succédé, les satellites Jason-1, puis 2, puis 3 ainsi que les missions Sentinel 3 et 6 ont permis d’alimenter les connaissances et de surveiller les océans.

Ce 16 décembre 2022, c’est une autre page qui s’est tournée pour l’altimétrie spatiale avec la mise en orbite du satellite SWOT (Surface Water Ocean Topography). Né de la collaboration entre la Nasa, le CNES, l’Agence spatiale canadienne et l’Agence spatiale du Royaume-Uni (UKSA) il est considéré comme le tout premier satellite altimétrique de deuxième génération. Cette génération se caractérise par des altimètres à très grande fauchée, par opposition aux bandes des radars altimétriques actuels qui ne dépassent pas les quelques kilomètres à la verticale du satellite.

Avec pour objectif principal de réunir les besoins des communautés hydrologiques et océanographiques en un seul satellite, SWOT devrait permettre d’améliorer la couverture spatio-temporelle des données déjà collectées par les satellites de la génération précédente et pourrait révolutionner la connaissance du cycle de l’eau à l’échelle planétaire.

Illustration du fonctionnement du satellite SWOT / Crédit : NASA/JPL-Caltech

KaRIn, rupture technologique

Cette révolution SWOT s’appuie sur des innovations technologiques et notamment sur l’instrument KaRIn support de l’interférométrie à large fauchée. Cette technologie a été mise au point par le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa, le CNES et Thales Alenia Space. KaRIn (pour Ka-band Radar Interferometer) possède deux antennes SAR (Synthetic Aperture Radar) en bande Ka, espacées de 10 m. Cette configuration offre une observation bidimensionnelle de 120 km de large, d’une résolution horizontale allant de 50 à 100 m.

Le schéma suivant décrit le mode de fonctionnement de KaRIn, l’instrument fonctionne avec un mode bistatique, c’est à dire qu’une seule des deux antennes peut émettre une onde radar, que les deux antennes vont recevoir. Cette onde est successivement dirigée vers la partie gauche (left swafth) puis vers la partie droite de la fauchée (right swafth).

Représentation du fonctionnement bistatique de KaRIn

Les applications

Installé sur une orbite inclinée à 77,6° à 890 kilomètres d’altitude, le satellite aura une répétitivité de 20,86 jours, pendant au moins trois ans. Tous les 10 jours, il réalisera une carte complète de la topographie des surfaces d’eau océaniques et continentales à l’échelle de la Terre.

Plus précisément, la mission SWOT permettra de mesurer la hauteur de mer et les hauteurs d’eaux continentales sur une fauchée de 120 km de large, les passages du satellite devraient permettre de couvrir à minima 90 % des surfaces du globe.

La haute résolution de SWOT permettra, entre autres, de détecter et d’identifier de petites structures comme des dénivellations ou des “marches” de quelques centimètres de haut et dizaines de kilomètres de diamètre, contrairement aux altimètres précédents qui ne permettaient pas la détection d’objets de moins de 150 km de longueur d’onde.

L’observation de cette variabilité océanique à méso-échelle améliorera les connaissances au sujet de la circulation océanique. C’est un point clé des problématiques liées au changement climatique puisque celle-ci est à l’origine du transfert de la moitié de la chaleur et du carbone de la couche supérieur des océans vers les grands fonds. Les données SWOT devraient, à terme, être utilisées dans les domaines de la navigation, de la pêche et des activités commerciales, et permettront de tracer des routes plus économes sur les océans.

Dans le domaine de l’hydrologie, les données produites par SWOT devraient également avoir un impact considérable. C’est ce qu’affirme Charlotte Emer, ingénieur d’étude pour le CNES sur la mission SWOT, elle précise que le SWOT va “apporter une quantité considérable de nouvelles données pour lhydrologie de surface, les lacs, les étendues deau, les fleuves et les rivières, de sorte qu’il permettra d’améliorer l’estimation de la disponibilité des eaux de surface”. Ces informations pourront permettre une gestion des ressources plus efficace et adaptée, et la construction de modèles préventifs pour les catastrophes naturelles en liant avec la ressource en eau.

“La communauté scientifique internationale attend avec impatience ces nouvelles données afin de mieux comprendre le cycle global de l’eau et d’affiner leur compréhension du rôle de l’océan dans le changement climatique.”

Thierry Lafon, chef de projet SWOT au CNES

Loin de se résumer à un simple satellite scientifique, SWOT est bel et bien la nouvelle révolution du monde de l’altimétrie spatiale. Une prouesse technologique dont les données seront au cœur des enjeux liés au développement durable en vue de l’adaptation de l’humanité au changement climatique dans les prochaines années à venir.

Pour aller plus loin

https://www.aviso.altimetry.fr/fr/techniques/altimetrie/evolutions-futures/interferometres.html

https://www.ifremer.fr/fr/presse/mission-swot-bientot-des-images-spatiales-instantanees-et-haute-resolution-du-niveau-de-la

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/observation-terre-satellite-swot-revolution-100820/

https://www.aviso.altimetry.fr/fr/missions/missions-futures/swot.html

https://www.asc-csa.gc.ca/fra/satellites/swot/

https://www.thalesgroup.com/fr/monde/espace/press-release/depart-imminent-du-satellite-swot-etats-unis

https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/observation-terre-satellite-swot-revolution-100820/